Retour

Enseigner avec bienveillance

Instaurer une entente mutuelle entre élèves et enseignants, un livre de Marshall B. Rosenberg. Il s'agit de la retranscription d'une conférence au congrès national des enseignants Montessori en Californie. On retrouve dans ce livre le message de la communication non violente dans le cadre scolaire, plutôt théorique, quoique imagé.

Dans le cadre de la formation continue d’enseignant, je lis des livres en lien avec la pédagogie, neurologie, sociologie. J’ai commencé avec ce livre de Rosenberg: Enseigner avec bienveillance, instaurer une entente mutuelle entre élèves et enseignants, 2006.

Contexte

Marshall B. Rosenberg est un psychologue américain. Il est le créateur d’un processus de communication appelé « communication non violente » (CNV). Il a travaillé dans le monde entier en tant que faiseur de paix ainsi que comme directeur pédagogique du « Centre pour la Communication Nonviolente » (Center for Nonviolent Communication). Il a notamment écrit d’autres livres dans la même verve: Les mots sont des fenêtres (ou des murs), 1999 et Nous arriverons à nous entendre!, 2005.

Enseigner avec Bienveillance est la retranscription d’une conférence au congrès national des enseignants Montessori en Californie. On y retrouve le message de la communication non violente dans le cadre scolaire, plutôt théorique, quoique imagé.

(sources: Wikipédia entre autre et le livre lui même).

À quoi s’attendre ?

Lorsque j’ai posé mes yeux sur la couverture, je me suis demandée ce que j’attendais d’un livre avec un tel titre. Quelles étaient les questions auxquelles je pensais / j’espérais, avoir une réponse:

  • Qu’est ce que la bienveillance? et de facto, qu’est ce que la Communication Non Violente (CNV)? J’ai, comme chacun, une idée préconçue de la bienveillance mais il est important de comprendre ce que l’auteur comprend par ce mot.
  • Pourquoi être bienveillant? La réponse met presque spontanée: avoir un climat de paix dans la classe. Je creuserai un peu tout de même.
  • Comment être bienveillant? Nous rentrons dans le cœur du sujet: je veux connaître et comprendre les méthodes et les pratiques de la CNV.
  • Comment résoudre les conflits en classe avec bienveillance? Évidemment je veux savoir comment m’y prendre dans une situation problématique. Mr Rosenberg donnez-moi les clés pour résoudre les conflits avec douceur.

Qu’est ce que la CNV, la bienveillance?

La bienveillance et la CNV se confonde dans le discours de Rosenberg. Pour le paraphraser, la CNV c’est : “Vois la beauté en moi”

« Vois la beauté en moi Cherche le meilleur en moi C’est ce que je suis vraiment C’est tout ce que je veux être Peut-être que cela prendra du temps Peut-être que cela sera difficile à trouver Vois la beauté en moi Est-ce que tu peux saisir l’occasion Est-ce que tu peux trouver une manière De me voir briller avec toutes les choses que je fais Vois la beauté en moi »

Marshall B. Rosenberg semble adorer les métaphores et la poésie, il veut parler à notre cœur avant de parler à notre esprit.

“Vois la beauté en moi” c’est le langage girafe (nouvelle métaphore). La girafe, animal avec le plus gros cœur du monde symbolise ici le fait de parler et d’écouter avec le cœur. Elle est opposée au chacal. Le chacal peu se montrer agressif et jugeant. Il a peur de perdre ce qu’il a durement acquis. Il est sur la défensive et ne peut pas voir la beauté en l’autre.

(sources des images: apprentie girafe)

Traduisons toutes ses belles images. La CNV (la girafe) c’est porter intérêt à ce que nous sommes entrain de vivre: ce que je vis et ce que tu vis. Notre regard et nos mots sont honnêtes avec l’autre et avec nous même. Il s’agit d’être dans le non jugement et de respecter la parole, les ressentis de l’autre (et les siens).

Pourquoi être bienveillant ?

Nous pourrions faire le choix d’être dictateur. En tant qu’enseignant nous avons un pouvoir relatif face aux élèves devant nous.

Rosenberg nous demande de se poser deux questions:

  • Qu’est ce que je veux que l’autre face ? Ici la réponse est simple, par exemple: “que untel ce taise”.
  • Quelle motivation je veux chez l’autre ? Est ce que je veux qu’il fasse ce que je lui demande par obéissance (le mot est dit)? mais quel motif ce cache derrière l’obéissance? parce qu’il le doit? parce qu’il le veut?

Par ce questionnement nous nous rendons compte que la contrainte mène à deux comportements:

  • la rébellion, elle naît d’un sentiment de colère et aboutit vers le conflit.
  • la soumission, elle émerge de la peur: suivre “ce qu’il faut faire”, se conformer “bêtement” aux règles. C’est l’obéissance sans sens qui mène à la passivité.

Ce ne sont pas des comportements que je souhaite pour des élèves, des enfants et même des adultes. Et se ne sont certainement pas des comportements qui mèneront à développer chez les élèves des aptitudes pour devenir des citoyens éclairés.

Être bienveillant implique donc d’effacer le plus possible la contrainte et de laisser place à la liberté. L’objectif est que l’autre réalise ce que je lui demande non par contrainte mais par envie. De nombreuses études de neurosciences ont montrés qu’un élève guidé par sa motivation et son envie sera beaucoup plus actif, apprendra et retiendra mieux ce qu’il fait.

Le switch de la vaisselle

Il est intéressant de remarquer que nous sommes souvent dans la contrainte avec nous même: “je dois”, “il faut que je fasse…”. Nous nous justifions ces comportements facilement: “il faut bien que les choses soient faîtes”. C’est vrai et pas vrai. Il suffit de ne pas les faire ou à apprendre à transformer le “je dois” en “j’ai envie”.

Un exemple simple: à la vue de la vaisselle qui s’entasse dans l’évier je me dis: “il faut que je fasse la vaisselle”. Je m’oblige. Alors je me dis ne la fait pas et pourtant, elle va déborder, il faut bien la faire. Là est alors la subtilité: trouver une méthode, un jeu, un subterfuge pour faire en sorte que je trouve l’envie de faire la vaisselle. Peut être de l’eau chaude et savonneuse, de la musique entraînante, un podcast, …

La communication non violente avec soi même c’est une sorte de développement personnel. Switcher de “je dois” à “j’ai envie”, entrer dans un état de joie.

Comment être bienveillant ?

Évaluation → observation

La première étape est passer d’un jugement (évaluation) à une observation:

“Untel hurle en classe et bavarde constamment” → “Untel parle plus fort que moi et parle en même temps que moi”

Nos sentiments

La deuxième étape est de se demander ce que provoque chez moi l’action de l’autre: Quels sentiments naissent en moi quand Untel parle fort durant ma classe?

“Je me sens frustrée”

Rosenberg nous dit que nos sentiments ne naissent pas de l’action de l’autre. L’action est juste un déclencheur comme un autre. Nos sentiments naissent d’un besoin inassouvi. Untel a autant le droit que moi d’exister et de se s’exprimer. Par contre, peut être que la façon dont il s’exprime est en totalement contradiction avec mes besoins du moment. Ce qui déclenche mes sentiments.

Nos besoins

Je pourrais dire: “J’ai besoin que Untel se taise.” Rosenberg nous apprend que pour comprendre la CNV nous devons formuler un besoin qui vienne de nous. Pas être das l’attente d’une action d’un autre:

“J’ai besoin que Untel se taise” → “J’ai besoin de calme”

Exigences → demandes

Si je me sens frustrée quand Untel parle c’est que j’ai besoin de calme pour faire mon cours. Maintenant il s’agit de trouver une façon de communiquer mes besoin à Untel pour qu’il comprenne ce que je vis.

“Tais-toi Untel” → “Untel, je me sens frustrée parce que j’ai besoin de calme pour continuer le cours. Tu veux bien être dans le calme?”

Faire une demande offre une troisième possibilité à l’autre pour évincer le duo se rebeller - se soumettre: accepter. Untel peut d’autant plus accepter ma demande s’il comprend son motif et s’il entend que cela compte pour moi.

Former un lien d’empathie

“D’accord, pardon madame” “merci Untel”

Demander et ne pas exiger fait naître un lien empathique entre les individus. Il est plus facile de se mettre à la place de l’autre et de comprendre ce qu’il ressent. C’est une démarche qui doit être sincère pour parler à l’intelligence de cœur des individus.

Comment résoudre des conflits en classe avec bienveillance?

L’exemple de Rosenberg s’arrête ici. Le livre est court et continent une introduction à la CNV. cela ne peut suffire pour la maîtriser.

Je reste un peu sur ma fin. J’ai l’impression que ce n’est pas aussi “facile”. Et si Untel s’en fiche? Rigole à mes propos et continue de parler?

Rosenberg, à la manière de Gandhi, nous dit juste que “la violence appelle la violence.” Il faut persévérer avec bienveillance même devant un “chacal invétéré”".

Conclusion

Moi en chacal : “Merci Rosenberg, espèce d’idéaliste… il sert à rien ton livre!”

Moi en girafe : “Je me suis sentie frustrée parce que j’avais besoin d’une solution miracle et rapide pour gérer les conflits avec les élèves.”

Ce que j’essaye de dire avant une pointe d’humour c’est que les propos de Rosenberg peuvent paraître idéalistes, parce que nous ne réalisons pas tout le travail et l’ancrage nécessaire derrière la pratique de la CNV. Ce n’est pas une solution miracle, cela nécessite du temps. Il s’agit de se lancer. Ouvrir et parler avec son cœur demande beaucoup de courage. Pérsevérer aussi. Comme le dit l’adage “Rome ne c’est pas construite en 1 jour”.

La CNV est certes une méthode de langage et d’écoute mais c’est surtout un état avec les autres et avec soi même. Comme un livre de développement personnel qui nous invite à profiter de l’instant présent, le CNV nous invite à questionner la naissance de nos sentiments, à peser nos besoins, encourager nos envies. Repensez au switch de la vaisselle!

Alors, est ce que enseigner avec bienveillance va résoudre nos problèmes? Non. La CNV ne règle pas nos problèmes. Elle change peu à peu notre manière de les appréhender. Et en changeant d’angle, il est possible que cela change tout.

Je ne peux que vous conseiller de lire le livre pour vous faire votre propre avis: acheter à la fnac, certainement aussi dispo sur le BonCoin ou Vinted.

Généré avec Hugo
Thème Stack conçu par Jimmy